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ESSAIS DE MONTAIGNE

là où la première de celles de Platon leur défend de s’enquérir seulement de la raison des lois civiles, qui doivent tenir lieu d’ordonnances divines ; et permettant aux vieux d’en communiquer entre eux et avec le magistrat, il ajoute : « Pourvu que ce ne soit pas en présence des jeunes et personnes profanes. »

J’ai vu aussi de mon temps faire plainte d’aucuns écrits, de ce qu’ils sont purement humains et philosophiques, sans mélange de théologie. Qui dirait au contraire, ce ne serait pourtant sans quelque raison, que la doctrine divine tient mieux son rang à part, comme reine et dominatrice ; qu’elle doit être principale partout, point suffragante et subsidiaire ; et qu’à l’aventure se prendraient les exemples à la grammaire, rhétorique, logique, plus sortablement, d’ailleurs, que d’une si sainte matière ; comme aussi les arguments des théâtres, jeux et spectacles publics ; que les raisons divines se considèrent plus vénérablement et révéremment seules, et en leur style, qu’appareillées aux discours humains ; qu’il se voit plus souvent cette faute, que les théologiens écrivent trop humainement, que cette autre, que les humanistes écrivent trop peu théologalement. La philosophie, dit saint Chrysostôme, est piéça bannie de l’école sainte comme servante inutile, et estimée indigne de voir, seulement en passant de l’entrée, le sacraire des saints trésors de la doctrine céleste. Le dire humain a ses formes plus basses, et ne se doit servir de la dignité, majesté, régence du parler divin. Je lui laisse, pour moi ? dire verbis inclisciplinatis[1] fortune, destinée, accident,

  1. En termes vulgaires et non approuvés. (Saint Augustin, de Civit Dei, X. 29).