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ESSAIS DE MONTAIGNE

ni aux jeux ; et Platon, l’ayant invitée à son convive[1], nous voyons comme elle entretient l’assistance, d’une façon molle et accommodée au temps et au lieu, quoique ce soit de ses plus hauts discours et plus salutaires.

Ainsi, sans doute, il chômera moins que les autres[2]. Mais, comme les pas que nous employons à nous promener dans une galerie, quoiqu’il y en ait trois fois autant, ne nous lassent pas comme ceux que nous mettons à quelque chemin desseigné[3], aussi notre leçon, se passant comme par rencontre, sans obligation de temps et de lieu, et se mêlant à toutes nos actions, se coulera sans se faire sentir ; les jeux mêmes et les exercices seront une bonne partie de l’étude ; la course, la lutte, la musique, la danse, la chasse, le maniement des chevaux et des armes. Je veux que la bienséance extérieure et l’entregent, et la disposition de la personne, se façonne quand et quand l’âme. Ce n’est pas une âme, ce n’est pas un corps qu’on dresse ; c’est un homme : il n’en faut pas faire à deux ; et, comme dit Platon, il ne faut pas les dresser l’un sans l’autre, mais les conduire également, comme une couple de chevaux attelés à même timon ; et, à l’ouïr, semble-t-il pas prêter plus de temps et plus de sollicitude aux exercices du corps, et estimer que l’esprit s’en exerce quand et quand et non au contraire ?

Au demeurant, cette institution se doit conduire par une sévère douceur, non comme il se fait ; au lieu de

  1. Ici convive signifie repas, festin ; c’est convivium.
  2. L’enfant ainsi élevé sera moins désœuvré que les autres.
  3. Projeté.