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CHAPITRE XV.

d’âge à dresser des enfants aux choses auxquelles ils ne peuvent prendre pied. Toutefois, en cette difficulté, mon opinion est de les acheminer toujours aux meilleures choses et plus profitables, et qu’on se doit peu appliquer à ces légères divinations et pronostics que nous prenons des mouvements de leur enfance. Platon, en sa République, me semble leur donner trop d’autorité.

Madame, c’est un grand ornement que la science, et un outil de merveilleux service, notamment aux personnes élevées en tel degré de fortune comme vous êtes. À la vérité, elle n’a point son vrai usage en mains viles et basses : elle est bien plus fière de prêter ses moyens à conduire une guerre, à commander un peuple, à pratiquer l’amitié d’un prince ou d’une nation étrangère, qu’à dresser un argument dialectique, ou à plaider un appel, ou ordonner une masse de pilules. Ainsi, madame, parce que je crois que vous n’oublierez pas cette partie en l’institution des vôtres, vous qui en avez savouré la douceur, et qui êtes d’une race lettrée (car nous avons encore les écrits de ces anciens comtes de Foix, d’où monsieur le comte votre mari et vous êtes descendus, et François de Candale, votre oncle, en fait naître tous les jours d’autres qui étendront la connaissance de cette qualité de votre famille à plusieurs siècles), je vous veux dire là-dessus une seule fantaisie que j’ai, contraire au commun usage : c’est tout ce que je puis conférer à votre service en cela.

La charge du gouverneur que vous lui donnerez, du choix duquel dépend tout l’effet de son institution, a plusieurs autres grandes parties ; mais je n’y touche point, pour n’y savoir rien apporter qui vaille ; et de cet article