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CHAPITRE XV.

les veulent cacher et faire propres, c’est premièrement injustice et lâcheté, que n’ayant rien en leur vaillant par où se produire, ils cherchent à se présenter par une valeur purement étrangère ; et puis, grande sottise, se contentant par piperie de s’acquérir l’ignorante approbation du vulgaire, se décrier envers les gens d’entendement, qui hochent du nez cette incrustation empruntée ; desquels seul la louange a du poids, De ma part, il n’est rien que je veuille moins faire ; je ne dis les autres, sinon pour d’autant plus me dire[1]. Ceci ne touche pas les centons, qui se publient pour centons ; et j’en ai vu de très-ingénieux en mon temps, entre autres un, sous le nom de Capiluppi, outre les anciens : ce sont des esprits qui se font voir, et par ailleurs, et par là, comme Lipsius[2], en ce docte et laborieux tissu de ses politiques.

Quoi qu’il en soif, veux-je dire, et quelles que soient ces inepties, je n’ai pas délibéré de les cacher ; non plus qu’un mien portrait chauve et grisonnant où le peintre aurait mis, non un visage parfait, mais le mien. Car aussi ce sont ici mes humeurs et opinions ; je les donne pour ce qui est en ma créance, non pour ce qui est à croire : je ne vise ici qu’à découvrir moi-même, qui serai par aventure autre demain, si nouvel apprentissage me change. Je n’ai point l’autorité d’être cru, ni ne le désire, me sentant trop mal instruit pour instruire autrui,

Quelqu’un donc, ayant vu l’article précédent, jnc disait chez moi, l’autre jour, que je me devais être un petit[3]

  1. C’est-à-dire, je ne cite les autres que pour mieux exprimer ma pensée.
  2. Juste-Lipse.
  3. Un peu.