Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 3.djvu/624

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tion, celle que nous tirons des exemples estrangers, si nous faisons si mal nostre profit, de celle, que nous auons de nous mesme, qui nous est plus familiere : et certes suffisante à nous instruire de ce qu’il nous faut. Ie m’estudie plus qu’autre subiect. C’est ma metaphysique, c’est ma physique.

Qua Deus hanc mundi temperet arte domum :
Qua venit exoriens, qua deficit, vnde coactis
Cornibus in plenum menstrua luna redit :
Vnde salo superant venti, quid flamine captet
Eurus, et in nubes vnde perennis aqua :
Sit ventura dies mundi quæ subruat arces,

Quærite quos agitat mundi labor.

En cette vniuersité, ie me laisse ignoramment et negligemment manier à la loy generale du monde. Ie la sçauray assez, quand ie la sentiray. Ma science ne luy peut faire changer de routte. Elle ne se diuersifiera pas pour moy : c’est folie de l’esperer. Et plus grande folie, de s’en mettre en peine : puis qu’elle est necessairement semblable, publique, et commune. La bonté et capacité du gouuerneur nous doit à pur et à plein descharger du soing de gouuernement. Les inquisitions et contemplations philosophiques, ne seruent que d’aliment à nostre curiosité. Les philosophes, auec grande raison, nous renuoyent aux regles de Nature. Mais elles n’ont que faire de si sublime cognoissance. Ils les falsifient, et nous presentent son visage peint, trop haut en couleur, et trop sophistiqué : d’où naissent tant de diuers pourtraits d’vn subiect si vniforme. Comme elle nous a fourny de pieds à marcher, aussi a elle de prudence à nous guider en la vie. Prudence non tant ingenieuse, robuste et pompeuse, comme celle de leur inuention : mais à l’aduenant, facile, quiete et salutaire. Et qui faict tresbien ce que l’autre dit en celuy, qui a l’heur, de sçauoir l’employer naïuement et ordonnément : c’est à dire naturellement. Le plus simplement se commettre à Nature, c’est s’y commettre le plus sagement. O que c’est vn doux et mol cheuet, et sain, que l’ignorance et l’incuriosité, à reposer vne teste bien faicte.I’aymerois mieux m’entendre bien en moy, qu’en Ciceron. De l’experience que i’ay de moy, ie trouue assez dequoy me faire sage, si i’estoy bon escholier. Qui remet en sa memoire l’excez de sa cholere passee, et iusques où cette fleure l’emporta, voit la laideur de cette passion, mieux que