Ie me maintins tousiours sur le tiltre de ma trefue, à leur quitter seulement le gain qu’ils auoient faict de ma despouille, qui n’estoit pas à mespriser, sans promesse d’autre rançon. Apres deux ou trois heures, que nous eusmes esté là, et qu’ils m’eurent faict monter sur vn cheual, qui n’auoit garde de leur eschapper, et commis ma conduicte particuliere à quinze ou vingt harquebusiers, et dispersé mes gens à d’autres, ayant ordonné qu’on nous menast prisonniers, diuerses routes, et moy desia acheminé à deux ou trois harquebusades de là,
voicy vne soudaine et tres-inopinée mutation qui leur print. Ie vis reuenir à moy le chef, auec paroles plus douces : se mettant en peine de rechercher en la trouppe mes hardes escartées, et me les faisant rendre, selon qu’il s’en pouuoit recouurer, iusques à ma boite. Le meilleur present qu’ils me firent, ce fut en fin ma liberté : le reste ne me touchoit gueres en ce temps-là. La vraye cause d’vn changement si nouueau, et de ce rauisement, sans aucune impulsion apparente, et d’vn repentir si miraculeux, en tel temps, en vne entreprinse pourpensée et deliberée, et deuenue iuste par l’vsage, (car d’arriuée ie leur confessay ouuertement le party duquel i’es— tois, et le chemin que ie tenois) certes ie ne sçay pas bien encores quelle elle est. Le plus apparent qui se demasqua, et me fit cognoistre son nom, me redist lors plusieurs fois, que ie deuoy cette deliurance à mon visage, liberté, et fermeté de mes parolles, qui me rendoient indigne d’vne telle mes-aduenture, me demanda asseurance d’vne pareille. Il est possible, que la bonté diuine se voulut seruir de ce vain instrument pour ma conseruation. Elle me deffendit encore lendemain d’autres pires embusches, desquelles ceux-cy mesme m’auoient aduerty. Le dernier est encore en pieds, pour en faire le conte : le premier fut tué il n’y a pas long temps.Si mon visage ne respondoit pour moy, si on ne lisoit en mes yeux, et en ma voix, la simplicité de mon intention, ie n’eusse pas duré sans querelle, et sans offence, si long temps : auec cette indiscrette liberté, de dire à tort et à droict, ce qui me vient en fantasie, et inger temerairement des choses. Cette façon peut paroistre auec raison inciuile, et mal accommodée à nostre vsage : mais outrageuse et malitieuse, ie n’ay veu personne qui l’en ait iugée : ny qui se soit piqué de ma liberté, s’il l’a receue de ma bouche. Les pa-