vices, que ie n’ay point le courage de les conceuoir sans horreur : et les admire, quasi autant que ie les deteste. L’exercice de ces meschancetez insignes, porte marque de vigueur et force d’ame, autant que d’erreur et desreglement. La necessité compose les hommes et les assemble. Cette cousture fortuite se forme apres en loix. Car il en a esté d’aussi sauuages qu’aucune opinion humaine puisse enfanter, qui toutesfois ont maintenu leurs corps, auec autant de santé et longueur de vie, que celles de Platon et Aristote sçauroient faire. Et certes toutes ces descriptions de police, feintes par art, se trouuent ridicules, et ineptes à mettre en practique.Ces grandes et longues altercations, de la meilleure forme de societé : et des regles plus commodes à nous attacher, sont altercations propres seulement à l’exercice de nostre esprit. Comme il se trouue és arts, plusieurs subiects qui ont leur essence en l’agitation et en la dispute, et n’ont aucune vie hors de là. Telle peinture de police, seroit de mise, en vn nouueau monde : mais nous prenons vn monde desia faict et formé à certaines coustumes. Nous ne l’engendrons pas comme Pyrrha, ou comme Cadmus. Par quelque moyen que nous avons loy de le redresser, et renger de nouueau, nous ne pouuons gueres le tordre de son accoustumé ply, que nous ne rompions tout. On demandoit à Solon, s’il auoit estably les meilleures loyx qu’il auoit peu aux Atheniens : Ouy bien, respondit-il, de celles qu’ils eussent receuës. Varro s’excuse de pareil air : Que s’il auoit tout de nouueau à escrire de la religion, il diroit ce, qu’il en croid. Mais, estant desia receue, il en dira selon l’vsage, plus que selon nature.Non par opinion, mais en verité, l’excellente et meilleure police, est à chacune nation, celle soubs laquelle elle s’est maintenue. Sa forme et commodité essentielle despend de l’vsage. Nous nous desplaisons volontiers de la condition presente. Mais ie tiens pourtant, que d’aller desirant. Ie commandement de peu, en vn estat populaire ou en la monarchie, vne autre espece de gouvernement, c’est vice et folie.
Ayme l’estal bel que tu le vois estre :
S’il est royal, ayme la royauté ;
S’il est de peu, ou bien communauté,
Ayme l’aussi, car Dieu l’y a faict naistre.
Ainsin en parloit le bon monsieur de Pibrac, que nous venons de perdre vn esprit si gentil, les opinions si saines, les mœurs si douces. Cette perte, et celle qu’en mesme temps nous auons faicte de monsieur de Foix, sont pertes importantes à nostre couronne. Ie