sant tout ce qu’on peut imaginer et qui fut exactement payée. Pendant sa captivité, il fit preuve d’un caractère franc, libéral, ferme et d’un esprit juste et étendu. Après en avoir tiré un million trois cent vingt-cinq mille cinq cents écus pesant d’or et, en outre, de l’argent et autres choses ne s’élevant pas à moins (leurs chevaux n’allaient plus que ferrés d’or massif), l’idée leur vint de savoir et de s’approprier ce qui pouvait rester des trésors de ce prince, quelle que fut la déloyauté à laquelle ils dussent avoir recours pour en arriver à leurs fins. À cet effet, on porta contre lui une accusation, à l’appui de laquelle on produisit des preuves aussi fausses que l’accusation elle-même, lui imputant d’avoir conçu de provoquer un soulèvement dans ses états pour recouvrer sa liberté ; et, là-dessus, sur un beau jugement rendu par ceux-là mêmes qui avaient inventé cette trahison, on le condamna à être étranglé et pendu publiquement, après lui avoir fait racheter le supplice d’être brûlé vif par une acceptation du baptême, qui lui fut donné sur le lieu même de l’exécution ; traitement inouï et barbare qu’il subit cependant avec calme et courage, sans se démentir ni par son attitude, ni par ses paroles qui, dans la forme comme dans le fond, furent vraiment dignes d’un roi. Puis, pour endormir ses peuples étonnés et frémissants de faits si étranges, on affecta un grand deuil de sa mort, et on lui fit de somptueuses funérailles.
De ces deux rois, l’autre était le roi de Mexico. Longtemps il défendit sa ville que les Espagnols assiégeaient ; et, dans ce siège, les assiégés montrèrent, plus que jamais jusqu’où peuvent aller la souffrance et la persévérance chez un prince et chez un peuple. Son mauvais sort fit qu’il tomba vivant au pouvoir de ses ennemis par suite d’une capitulation portant qu’il serait traité en roi ; et autant de temps qu’il demeura entre leurs mains, il se comporta avec toute la dignité de son rang. — Ne trouvant pas après leur victoire tout l’or qu’ils avaient espéré, les vainqueurs, après avoir tout remué et fouillé, se mirent à poursuivre leurs recherches en exerçant sur leurs prisonniers les plus cruels traitements qu’ils purent inventer ; mais, se heurtant à des courages plus forts que leurs supplices, ils ne réussirent pas, et en conçurent une telle rage qu’ils en vinrent à mettre à la torture, en présence l’un de l’autre, le roi lui-même et l’un des principaux seigneurs de sa cour. Ce seigneur, environné de brasiers ardents, finit, sous l’effet de la douleur, par implorer son maître d’un regard qui faisait pitié, comme pour lui demander pardon de ce qu’il ne pouvait plus résister. Le roi, qui se trouvait en même situation, fixant sur lui un regard sévère et assuré, en reproche de sa lâcheté et de sa pusillanimité, lui dit ces seuls mots d’une voix ferme et rude : « Et moi, suis-je donc dans un bain ; suis-je plus à mon aise que toi ? » et, presque aussitôt, succombant à la douleur, ce seigneur rendit sur place le dernier soupir. Le roi fut emporté à moitié rôti ; non par commisération, mais parce que sa constance faisait ressortir encore davantage tout l’odieux de la cruauté de ses bourreaux ; la pitié du reste ne toucha