vn ieune homme incogneu, qui luy demandoit la charge de son pere, homme de valeur, qui venoit de mourir : Mon amy, dit-il, en tels bien faicts, ie ne regarde pas tant la noblesse de mes soldats, comme ie fais leur proüesse. De vray, il n’en doibt pas aller comme des officiers des Roys de Sparte, trompettes, menestriers, cuisiniers, à qui en leurs charges succedoient les enfants, pour ignorants qu’ils fussent, auant les mieux experimentez du mestier. Ceux de Callicut font des nobles, vne espece par dessus l’humaine. Le mariage leur est interdit, et toute autre vacation que bellique. De concubines, ils en peuuent auoir leur saoul : et les femmes autant de ruffiens : sans ialousie les vns des autres. Mais c’est vn crime capital et irremissible, de s’accoupler à personne d’autre condition que la leur. Et se tiennent pollus, s’ils en sont seulement touchez en passant : et, comme leur noblesse en estant merueilleusement iniuriee et interessee, tuent ceux qui seulement ont approché vn peu trop pres d’eux. De maniere que les ignobles sont tenus de crier en marchant, comme les gondoliers de Venise, au contour des rues, pour ne s’entreheurter et les nobles leur commandent de se ietter au quartier qu’ils veulent. Ceux cy euitent par là, cette ignominie, qu’ils estiment perpetuelle ; ceux là vne mort certaine. Nulle duree de temps, nulle faueur de Prince, nul office, ou vertu, ou richesse peut faire qu’vn roturier deuienne noble. A quoy ayde cette couslume, que les mariages sont defendus de l’vn mestier à l’autre. Ne peut vne de race cordonniere, espouser vn charpentier et sont les parents obligez de dresser les enfants à la vacation des peres, precisement, et non à autre vacation par où se maintient la distinction et continuation de leur fortune.Vn bon mariage, s’il en est, refuse la compagnie et conditions de l’amour : il tasche à representer celles de l’amitié. C’est vne douce societé de vie, pleine de constance, de fiance, et d’vn nombre infiny d’vtiles et solides offices, et obligations mutuelles. Aucune femme qui en sauoure le goust,
ne voudroit tenir lieu de maistresse à son mary. Si elle est logee en son affection, comme femme, elle y est bien plus honorablement et scurement logee. Quand il fera l’esmeu ailleurs, et l’empressé, qu’on luy demande pourtant lors, à qui il aymeroit mieux arriuer vne