CHAPITRE X.
e ne fay point de doute, qu’il ne m’aduienne souuent de parler de
choses, qui sont mieux traictées chez les maistres du mestier, et
plus veritablement. C’est icy purement l’essay de mes facultez naturelles, et nullement des acquises. Et qui me surprendra d’ignorance,
il ne fera rien contre moy : car à peine respondroy-ie à autruy de
mes discours, qui ne m’en responds point à moy, ny n’en suis satisfaict. Qui sera en cherche de science, si la pesche où elle se loge :
il n’est rien dequoy ie face moins de profession. Ce sont icy mes
fantasies, par lesquelles ie ne tasche point à donner à connoistre
les choses, mais moy : elles me seront à l’aduenture connues vn
iour, ou l’ont autresfois esté, selon que la Fortune m’a peu porter
sur les lieux, où elles estoient esclaircies. Mais il ne m’en souuient
plus. Et si ie suis homme de quelque leçon, ie suis homme de nulle
retention. Ainsi ie ne pleuuy aucune certitude, si ce n’est de faire
connoistre iusques à quel poinct monte pour cette heure, la connoissance que i’en ay. Qu’on ne s’attende pas aux matieres, mais à la
façon que i’y donne.Qu’on voye en ce que l’emprunte, si i’ay sceu
choisir dequoy rehausser ou secourir proprement l’inuention, qui
vient tousiours de moy. Car ie fay dire aux autres, non à ma teste,
mais à ma suite, ce que ie ne puis si bien dire, par foiblesse de mon
langage, ou par foiblesse de mon sens. Ie ne compte pas mes emprunts, ie les poise. Et si ie les eusse voulu faire valoir par nombre,
ie n’en fusse chargé deux fois autant. Ils sont touts, ou fort peu
s’en faut, de noms si fameux et anciens, qu’ils me semblent se
nommer assez sans moy. Ez raisons, comparaisons, argumens, si
i’en transplante quelcun en mon solage, et confons aux miens, à
escient i’en cache l’autheur, pour tenir en bride la temerité de ces
sentences hastiues, qui se iettent sur toute sorte d’escrits : notam-