qui était bien l’ordre le plus important qu’il put donner à ce moment, afin que la nouvelle ne vint pas désespérer les siens ; et il expira, tenant un doigt sur sa bouche close, signe ordinaire de faire silence. Qui a jamais vécu si longtemps et si avant dans la mort ? qui jamais plus que lui, est mort debout ?
Tranquillité d’âme de Caton, résolu à la mort et sur le point de se la donner. — L’attitude la plus courageuse à conserver vis-à-vis de la mort, et la plus naturelle, c’est de la voir venir, non seulement sans étonnement, mais aussi sans[1] préoccupation ; de continuer à vivre, jusqu’à ce qu’elle s’empare de nous, sans rien changer à son genre de vie, comme fit Caton, qui s’amusait à étudier et à dormir, quand déjà il avait résolu sa fin violente et sanglante, qu’elle était présente[2] à sa pensée et dans son cœur, et qu’il la tenait en sa main.
CHAPITRE XXII.
Montaigne, petit et trapu, courait volontiers la poste dans sa jeunesse. — Je n’étais pas des moins résistants à courir la poste, exercice auquel conviennent les gens de ma taille, petite et trapue ; mais j’y ai renoncé, il fatigue trop pour être pratiqué longtemps.
L’usage de disposer à demeure des chevaux de relai, de distance en distance, a été établi par Cyrus ; les Romains l’ont employé. — Je lisais tout à l’heure que le roi Cyrus, afin de recevoir plus promptement les nouvelles des diverses parties de son empire, qui était fort étendu, fit expérimenter ce qu’un cheval peut, en un jour, parcourir d’une seule traite, et qu’il fit établir, à cette distance les uns des autres, des hommes qui avaient charge de tenir des chevaux prêts, pour en fournir à ceux qui lui étaient dépêchés ; on dit que la vitesse ainsi obtenue, atteint celle des grues.
César rapporte que L. Vibulus Rufus, pressé de porter un avis à Pompée, se rendit vers lui en marchant jour et nuit, et changeant de chevaux, chemin faisant, pour aller plus vite. — César lui-même, dit Suétone, faisait cent milles par jour sur un char de louage, mais c’était un fameux courrier ; car[3] là où les rivières interceptaient la route, il les franchissait à la nage et ne se détournait pas[4] de sa direction pour aller chercher un pont ou un gué. — Tibérius Néron (Tibère) allant voir son frère Drusus, qui se trouvait malade en Allemagne, fit deux cents milles en vingt-quatre heures ; il voyageait avec trois chars. — Pendant la guerre de Rome contre le roi