plusieurs bonnes lois, et il réduisit dans de notables proportions les subsides et les impositions que levaient ses prédécesseurs.
Nous avons deux historiens dignes de foi qui furent témoins oculaires de ses actes. L’un d’eux, Ammien Marcellin, critique sévèrement en divers passages de son ouvrage l’édit de ce prince, par lequel il défendait à tous les rhétoriciens et grammairiens chrétiens de tenir école et d’enseigner ; cet historien ajoute qu’il serait à souhaiter que cette action put être ensevelie dans le silence. Il est probable que si Julien avait commis quelque acte de plus grande gravité contre nous, Ammien Marcellin, qui était très affectionné à notre parti, n’eut pas oublié de le relater. A la vérité, il fut dur, mais non cruel ; les nôtres racontent eux-mêmes de lui le fait suivant. Se promenant un jour dans la banlieue de Chalcédoine, Maris, évêque de cette ville, osa l’appeler « méchant, traitre au Christ » ; Julien se borna à lui répondre : « Va-t’en, malheureux, pleure la perte de tes yeux. » A quoi, l’évêque répliqua : « Je rends grâce à Jésus-Christ de m’avoir ôté la vue, ce qui me permet de ne pas voir ton visage impudent. » L’empereur, en cette circonstance, ajoutent ceux qui rapportent le fait, fit preuve d’une patience toute philosophique. Toujours est-il que cela ne cadre guère avec les cruautés qu’on l’accuse d’avoir commises contre nous. — Eutrope, mon second témoin, dit qu’il était ennemi du christianisme, mais qu’il ne répandit pas de sang.
Sa sobriété, son application au travail, son habileté dans l’art militaire. — Pour en revenir à sa justice, il n’est rien qu’on puisse lui reprocher en dehors des rigueurs dont il usa, au commencement de son règne, contre ceux qui avaient suivi le parti de Constance, son prédécesseur. — Quant à sa sobriété, sa nourriture était constamment celle du soldat ; il vivait en pleine paix, comme quelqu’un se préparant et voulant s’habituer aux austérités de la guerre. — Sa vigilance était telle, qu’il faisait de la nuit trois ou quatre parts : il donnait la moins longue au sommeil et employait le reste à se rendre compte par lui-même de l’état de son armée, à visiter ses postes ou à étudier ; car parmi les autres qualités qui le distinguaient entre tous, il excellait dans tous les genres de littérature. — On dit d’Alexandre le Grand que, lorsqu’il était couché, de peur que le sommeil ne l’emportât sur ses méditations ou ses études, il faisait placer près de son lit un bassin, et dans l’une de ses mains qu’il laissait en dehors, tenait une petite boule de cuivre, de telle sorte que si le sommeil venait à le gagner, ses doigts se desserrant, le bruit que faisait la boule en tombant dans le bassin le réveillait. Julien était tellement à ce qu’il voulait et avait la tête si dégagée en raison de l’abstinence qu’il observait à si haut degré, qu’il n’avait pas besoin de recourir à ce moyen. — Pour ce qui est de ses qualités militaires, il fut admirable dans tout ce qui est du ressort d’un grand capitaine ; aussi fut-il, pendant presque toute sa vie, occupé à guerroyer, particulièrement avec nous, en Gaule, contre les Allemands et les Francs de la Franconie.