Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/338

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tu mea, tu moriens fregisti commoda, frater ;
Tecum vna tota est nostra sepulta anima,
Cuius ego interitu tota de mente fugaui
Hæc studia, atque omnes delicias animi.

Alloquar ? audiero nunquam tua verba loquentem ?
Nunquam ego te, vita frater amabilior,
Aspiciam posthac ? at certè semper amabo.

Mais oyons vn peu parler ce garson de seize ans.

Parce que i’ay trouué que cet ouurage a esté depuis mis en lumière, et à mauuaise fin, par ceux qui cherchent à troubler et changer l’estat de nostre police, sans se soucier s’ils l’amenderont, qu’ils ont meslé à d’autres escrits de leur farine, ie me suis dédit de le loger icy. Et affin que la mémoire de l’autheur n’en soit intéressée en l’endroit de ceux qui n’ont peu cognoistre de près ses opinions et ses actions : ie les aduise que ce subiect fut traicté par luy en son enfance, par manière d’exercitation seulement, comme subiect vulgaire et tracassé en mil endroits des liures. Ie ne fay nul double qu’il ne creust ce qu’il escriuoit : car il estoit assez conscientieux, pour ne mentir pas mesmes en se iouant : et sçay d’auantage que s’il eust eu à choisir, il eust mieux aymé estre nay à Venise qu’à Sarlac ; et auec raison. Mais il auoit vn’autre maxime souuerainement empreinte en son ame, d’obeyr et de se soubmettre tres-religieusement aux loix, sous lesquelles il estoit nay. Il ne fut iamais vn meilleur citoyen, ny plus affectionné au repos de son pais, ny plus ennemy des remuements et nouuelletez de son temps : il eust bien plustost employé sa suffisance à les esteindre, qu’à leur fournir dequoy les émouuoir d’auantage : il auoit son esprit moulé au patron d’autres siècles que ceux-cy. Or en eschange de cest ouurage sérieux i’en substitueray vn autre, produit en cette mesme saison de son aage, plus gaillard et plus enioué.

CHAPITRE XXVIII.

Vingt et neuf sonnets d’Estienne de la Boetie, à Madame de Grammont Contesse de Guissen.


Madame ie ne vous offre rien du mien, ou par ce qu’il est desia vostre, ou pour ce que ie n’y trouue rien digne de vous. Mais