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AVERTISSEMENT.


La présente édition des Essais de Montaigne (self-édition) comprend : le texte original de cet ouvrage d’après l’édition de 1595 et sa traduction en langage de nos jours, avec sommaires intercalés ; un ensemble de ces mêmes sommaires, les citations classées par ordre alphabétique, de très nombreuses notes hors texte inédites et autres ; un glossaire ; un lexique des noms propres, avec index analytique des principales matières, etc. ; enfin, une notice sur l’auteur et sur son œuvre.

Montaigne se distingue entre tous par le sujet qu’il traite et la forme simple et humoristique qu’il y emploie : « Il a cela pour lui, dit Pascal, qu’un homme bête ne le comprendra jamais » ; de son côté, Laboulaye le tient « comme le seul moraliste qu’on lise avec plaisir, quand on n’a plus quarante ans » ; et il ajoute : « On peut ouvrir les Essais au hasard, toute page en est sérieuse et donne à réfléchir. »

Son sujet, c’est l’homme, qu’il étudie dans sa réalité, avec ses besoins, ses passions et les conditions en lesquelles il se trouve pour y satisfaire ; et, pour plus de vérité, c’est lui-même qu’il analyse. Mais s’il parle de lui, c’est de manière à nous occuper de nous ; et qui le lit, s’y reconnaît aujourd’hui comme il y a trois siècles, au temps où l’auteur écrivait, parce que ce qu’il a peint, ce n’est pas la société humaine qui, elle, change constamment, mais l’homme lui-même lequel, pour si « ondoyant et divers » qu’il soit, au fond demeure toujours le même.

Certainement Montaigne a vieilli ; il émet bien des assertions qui, avec le progrès des mœurs, le développement des sciences, les idées nouvelles, les événements accomplis, ne sont plus exactes ; sa lecture n’en demeure pas moins intéressante et profitable, parce que ces assertions, accompagnées d’observations sur la nature humaine, qui sont et seront toujours vraies, présentées d’une manière saisissante, éveillent en nous un retour inconscient sur nous-mêmes ; l’humanité peut continuer à progresser, les Essais seront toujours d’actualité ; et à qui, en ce siècle essentiellement utilitaire, demanderait à quoi aujourd’hui peut encore servir cette lecture, on peut, en toute assurance, répondre que nulle n’est plus propre à nous garder d’une présomption exagérée, à nous inspirer de l’indulgence pour autrui, nous maintenir en possession de nous-mêmes, amener en nous la résignation contre la souffrance ou la mauvaise fortune, et, quoi qu’il advienne, faire le calme en nos âmes.

Mais il n’en est pas de même de la langue que parle leur auteur ; plus on s’éloigne de l’époque où il écrivait, moins elle demeure facilement intelligible, en raison des mots et des tournures de phrase hors d’usage qui s’y rencontrent parfois en grand nombre, surtout quand il dis-