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sain, qu’on ne s’attende point que je le face malade. Ce que je veux faire pour le service de la mort est tousjours fait ; je n’oserois le deslaier d’un seul jour. Et s’il n’y a rien de faict, c’est à dire : ou que le doubte m’en aura retardé le choix, car par fois c’est bien choisir de ne choisir pas, ou que tout à fait je n’auray rien voulu faire. J’escris mon livre à peu d’hommes et à peu d’années. Si ç’eust esté une matiere de durée, il l’eust fallu commettre à un langage plus ferme. Selon la variation continuelle qui a suivy le nostre jusques à cette heure, qui peut esperer que sa forme presente soit en usage, d’icy à cinquante ans ? Il escoule tous les jours de nos mains et depuis que je vis s’est alteré de moitié. Nous disons qu’il est à cette heure parfaict. Autant en dict du sien chaque siecle. Je n’ay garde de l’en tenir là tant qu’il fuira et se difformera comme il faict. C’est aux bons et utiles escrits de le clouer à eux, et ira son credit selon la fortune de nostre estat. Pourtant ne crains-je poinct d’y inserer plusieurs articles privez, qui consument leur usage entre les hommes qui vivent aujourd’huy, et qui touchent la particuliere science d’aucuns, qui y verront plus avant que de la commune intelligence. Je ne veux pas apres tout, comme je vois souvent agiter la memoire des trespassez, qu’on aille debatant : Il jugeoit, il vivoit ainsin ; il vouloit cecy ; s’il eust parlé sur sa fin, il eust dict, il eust donné ; je le connoissois mieux que tout autre. Or, autant que la bienseance me le permet, je faicts icy sentir mes inclinations et affections ; mais plus librement et plus volontiers le faits-je de bouche à quiconque desire en estre informé. Tant y a qu’en ces memoires, si on y regarde, on trouvera que j’ay tout dict, ou tout designé. Ce que je ne puis exprimer, je le montre au doigt :

Verum animo satis haec vestigia parva sagaci
Sunt, per quae possis cognoscere caetera tute.

Je ne laisse rien à desirer et deviner de moy. Si on doibt s’en entretenir, je veus que ce soit veritablement et justement. Je reviendrois volontiers de l’autre monde pour démentir celuy qui me formeroit autre que je n’estois, fut ce pour m’honorer. Des vivans mesme, je sens qu’on parle tousjours