rache quelquefois à force de crier autour de leurs oreilles, et de les tempester, ou des mouvemens qui semblent avoir quelque consentement à ce qu’on leur demande, ce n’est pas tesmoignage qu’ils vivent pourtant, au moins une vie entiere. Il nous advient ainsi sur le beguayement du sommeil, avant qu’il nous ait du tout saisis, de sentir comme en songe, ce qui se faict autour de nous, et suyvre les voix, d’une ouye trouble et incertaine, qui semble ne donner qu’aux bords de l’ame : et faisons des responses à la suitte des dernieres paroles, qu’on nous a dites, qui ont plus de fortune que de sens.
Or à present que je l’ay essayé par effect, je ne fay nul doubte que je n’en aye bien jugé jusques à ceste heure. Car premierement estant tout esvanouy, je me travaillois d’entr’ouvrir mon pourpoinct à beaux ongles (car j’estoy desarmé) et si sçay que je ne sentois en l’imagination rien qui me blessast : Car il y a plusieurs mouvemens en nous, qui ne partent pas de nostre ordonnance.
- Semianimesque micant digiti, ferrúmque retractant.
Ceux qui tombent, eslancent ainsi les bras au devant de leur cheute, par une naturelle impulsion, qui fait que nos membres se prestent des offices, et ont des agitations à part de nostre discours :
- Falciferos memorant currus abscindere membra,
- Ut tremere in terra videatur ab artubus, id quod
- Decidit abscissum, cùm mens tamen atque hominis vis
- Mobilitate mali non quit sentire dolorem.
J’avoy mon estomach pressé de ce sang caillé, mes mains y couroient d’elles mesmes, comme elles font souvent, où il nous demange, contre l’advis de nostre volonté. Il y a plusieurs animaux, et des hommes mesmes, apres qu’ils sont trespassez, ausquels on voit resserrer et remuer des muscles. Chacun sçait par experience, qu’il a des parties qui se branslent, dressent et couchent souvent sans son congé. Or ces passions qui ne nous touchent que par l’escorse, ne se peuvent dire nostres : Pour les