que son secretaire tient en registre.
A la verité, nos loix sont libres assez, et le pois de la
souveraineté ne touche un gentil-homme François à peine deux fois
en
sa vie. La subjection essentielle et effectuelle ne regarde d’entre
nous que ceux qui s’y convient et qui ayment à s’honnorer et
enrichir
par tel service : car qui se veut tapir en son foyer, et sçait conduire
sa maison sans querelle et sans procès, il est aussi libre que le
Duc
de Venise :
Paucos servitus, plures servitutem tenent.
Mais sur tout Hieron faict cas dequoy il se voit privé de toute
amitié et société mutuelle, en laquelle consiste le plus parfait et
doux fruict de la vie humaine. Car quel tesmoignage d’affection et de
bonne volonté puis-je tirer de celuy qui me doit, veuille il ou non,
tout ce qu’il peut ? Puis-je faire estat de son humble parler et
courtoise reverence, veu qu’il n’est pas en luy de me la refuser ?
L’honneur que nous recevons de ceux qui nous craignent, ce n’est pas
honneur ; ces respects se doivent à la royauté, non à moy :
Quod facta domini cogitur populus sui
Quam ferre tam laudare.
Vois-je pas que le meschant, le bon Roy, celuy qu’on haït, celuy qu’on ayme, autant en a l’un que l’autre : de mesmes apparences, de mesme cerimonie estoit servy mon predecesseur et le sera mon successeur. Si mes subjects ne m’offencent pas, ce n’est tesmoignage d’aucune bonne affection : pourquoy le prendray-je en cette part-là, puis qu’ils ne pourroient quand ils voudroient ? Nul ne me suit pour l’amitié qui soit entre luy et moy, car il ne s’y sçauroit coudre amitié où il y a si peu de relation et de correspondance. Ma hauteur m’a mis hors du commerce des hommes : il y a trop de disparité et de disproportion. Ils me suivent par contenance et par coustume ou, plus tost que moy, ma fortune, pour en accroistre la leur. Tout ce qu’ils me dient et font, ce n’est