Jugiez se vos savez pour voir
Laquele doit l’ennel avoir,
Ou cele qui son baron mist
En beart et lier le fist,
Ou cele qui mist son baron
Par ivresce en relegion,
Ou cele, quant qu’en li fesoit,
Son baron devant alumoit.
Haisiaus dit que ceste l’avra
A qui ses mariz aluma ;
Cil fu li mieus afoubertez,
Qu’ivresce et force, ce savez,
Engignerent les autres deus,
Mès cil fu droit maleüreus[1] ;
Plus hardi barat et plus bel
Fist ceste : je li doing l’anel.
- ↑ 176 — * maleüreus ; ms., maleurés.
Cette pièce est une seconde version du fabliau Des .III. Dames qui trouverent l’anel, publié précédemment (I, 168-177 ; voyez, outre les notes du deuxième volume, p. 298-299, un article paru dans la Germania, t. XXI, p. 383-399). Une troisième rédaction a été signalée par M. Eug. Ritter dans sa Notice du ms. 179 bis de la bibliothèque de Genève (Bulletin de la Société des anciens textes français, année 1877, p. 89). Ce n’est qu’un fragment de 50 vers ; le voici :
« ……Or ay je dit ma negligence, »
Dist l’abbesse ; « de tel semence
Fu jadiz mon courtil semez.
Or en dictes voz volontez,
Seur Ysabel, come l’ainée.
— Ma dame, (je) seioie blasmée ;
Par ma foy, ce seroit oultrage. »
Dist l’abbesse : « N’ayez hontage,
Mettez vergongne en non chaloir.
Guidez vous de mains en valoir ?
Nennil non ; dictes sans respit.
— Dame, foy que dois mon abit
Et mon volet et ma galoppe,
Ne foy que doy tippe ne toppe,
J’ay hanté l’amoureuse vie
Du deduit d’amant et d’amie :
Pris de mon ami tel soulas
Deus fois ou trois, tant que fut las,
L’un avec l’autre par mainte heure,
L’un cul dessoubz, l’autre desseure,
Car qui tous deus nous descouvrist
Et nostre couverture ouvrist,
Il n’a valleton ni meschine
De ja puis cy jusqu’an(t) Teruene,
Et fut encores de Laurene,
Qui sçut au quel cul la cuene
Des borses velues pendist.
Tant y [a] rausart, n’entendist.
Or ay je ditte ma parole,
Don j’ay fait que nice et [que] folle. »
Dist l’abbesse : « N’ayés ja honte.
Car je say bien à coy ce monte
Près que vous ausy em partie.
Mès, devant que faizons partie,
L’anel vuil que ayés en garde,
Car je vois bien, panse et regarde
Que cy n’a ne sage ne sot ;
Mès dit avés le plus bel mot,
Et pour ce l’anel je vous livre,
Non pas qu’il soit vostre à delivre,
Tan que bon companion l’orront
Qui le jugement en feront. »
Celle dist : « Dame, je l’autray. »
Puis a mis l’anel en son doy
La dereniere devant tottes ;
Mès puis maintes parolles sottes
Luy ont tottes les autres dit.
Et pour ce vous pri en mon dit
Que vous jugiés sans remanoir
La quelle doit l’anel avoir.On pourrait rapprocher cette dernière rédaction d’une autre pièce Des .III. Dames, publiée précédemment (IV, 128-132, et V, 32-36), où l’on remarque aussi l’intervention finale d’une abbesse.