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le meunier d’arleux

Mousès a son maistre apielé :
« Sire » dist-il, « or entendes ;
Il a molt poi d’iaue el vivier ;
Il vous covient euvre laissier ;
55Nos molins ne puet morre tor.
— Or n’i a il nul autre tor, »
Fait li mauniers ; « clot le molin. »
Li solaus traioit à déclin ;
La damoisièle ert plainne d’ire,
60Pleure des iex, de cuer soupire :
« Lasse, » fait ele, « que ferai ?
Or voi jou bien ke g’i morrai.
Se je m’en vois encui par nuit,
Jou isterai dou sens, je cuit. »
65Mousès l’a prise[1] à conforter ;
« Biele, » fait-il, « or m’entendes ;
Vous irés avuec mon maistre[2] ;
Il vos en pora grans biens naistre.
— Voire, » fait Jakès entressait,
70« Mais meuture n’aura huimais[3],
Elle, ses[4] pères, ne sa gent. »
Par le main maintenant le prent :
« Levés sus, bièle ; s’en alons
A Paluiel en mes maisons ;
75Là serés vous bien ostelée.
Vous mangerés, à la vesprée,
Pain et tarte, car et poisson,
Et buverés vin affuison ;
Mais gardés ke sace ma feme
80Que soies el ke ma parente,

  1. 65 — * prise ; ms., prises.
  2. 67 — Vers faux ; il faut lire sans doute : Vous en irez avuec mon maistre.
  3. 70 — * huimais ; ms., amais.
  4. 71 — * ses ; ms., ne ses.