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la veuve

On peut bien si destraindre l’ive[1],
K’ilh n’i a sève ne salive.
Si m’avez destraint et sachié[2]
Ke vos m’avez à mort jugié[3]
415Et ke, bien veoir le poés[4],
On dist que je sui craventés ;
Ce est voirs, par sainte Marie.
Trop[5] a li bons la char hardie,
Cui li dyables sy[6] sorprent,
420Ke vielhe[7] feme à enfans prent,
Car il n’iert ja[8] .I. jor sans lime.
Venez avant, ma dame grime,
Si me paiés[9] les .XXX. mars
Ke me promesistes domars
425Entrosque je[10] fesoie l’euvre
Où ilh covient la crupe mure[11].
— Aï », fait ele, « fouz couvers[12],
Vous deuuistes[13] iestre convers
U rendus à[14] une abeïe !
430Voir, je devroi estre banie[15]
Cant je lessai por vos Jehan,
Ki a sa terre et son ahan,
Et Godefroi et Balduin,
Et Gillebert et Focuin[16] ;
435Si pris trestot le plus malvais
Ki soit d’Orliens jusqu’à[17] Bialvais.
Tant m’aveis tolut et emblez[18],
Ke n’ai mais avaine ne bleiz ;
Bien est ma maison escovée.
440Vous astez d’une orde covée,

  1. 411-412 — Ces vers manquent dans B.
  2. 414 — jugié. B, jucié.
  3. 415-417 — B :

    Si que bien certes le verrés,
    On dist ja je sui esverrés,
    Ja ne larrai que tiel vous die.

  4. 418 — Trop. B, Molt.
  5. 419 — si. B, tant.
  6. 420 — vielhe. B, veve.
  7. 421 — il n’iert ja .I.. B, ja n’iert .I. seul.
  8. 423 — paies. B, bailliés.
  9. 425 — B, « je » manque. — l’euvre. B, cele oeuvre.
  10. 426 — la crupe mure. B, les rains remuevre. — Après ce vers, le ms. B ajoute :

    Se jou nes ai par saint Ricier.
    Vous les comperrës ja molt cier. »
    La dame l’ot, molt li anoie.
    Quant ele entent à la monnoie
    Ke li bacelers li demande ;
    A .C. diables le commande.
    Ele aimme mix estre batue,
    U que il l’ocie et le tue,
    K’ele tel avoir li delivre
    Ne qu’il en ait ne marc ne livre.
    Lors le recommence à maudire
    Et à tencier et à laidire :
    « Ahi ! » fait ele, « despendus.
    Or est vos avoirs despendus… »

    Le ms. B s’arrête ici, le feuillet qui suit manquant. — Les variantes que nous notons plus loin se trouvent placées plus haut dans B. Cf. la note du vers 405.

  11. 427 — B, « Dont, » dist la dame, « fel cuivers. » — Ce vers et les suivants font suite dans B au vers 405 de A.
  12. 428 — deuuistes. B, deüsciés.
  13. 429 — U rendus à. B, Et entrer en.
  14. 430 — B, Malement m’avés obeïe. — Après ce vers, B ajoute :

    Or puet on bien de fi savoir
    Ke je n’eue gaires de savoir.

  15. 434 — Focuin, B, Foukelin.
  16. 436 — d’Orliens jusqu’à. B, dementres qu’à.
  17. 437 — * emblez. A, emblé. — Ce vers manque dans B, et tous les vers qui suivent sont ajoutés :

    Sire, mal estes restorés ;
    Vous devés bien estre plourés.
    Car onques plus preudora ne fu.
    Vos sens et vos favors mar fu
    Vostre science et vo bontés.
    Molt estiés sages et dontés ;
    Onques par vous ne fui maudite.
    Ni adesée ne laidite,
    Et cis damoisiax me manace ;
    Il est bien drois que je me hace. »
    Dont li respont cil à haut ton :
    « Dame, vous avés un glouton
    Ki tous jors vauroit alaitier ;
    Il a fait Bauçant dehaitier ;
    Je l’ai awant souvent retrait
    Tout herçoiié et tout contrait.

    Suit le vers 407 de A.