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la veuve

Se ilh ne sout[1] rendre raison,
On le prent[2] à poi d’ocoison.
Sovent regratoit[3] sa maisnie,
Cui ilh avoit suëf norrie[4],
115Et ses parens et ses annis[5],
Où il avoit son avoir mis,
Et si huce[6] à dolente chiere
Sa molhier, qu’il tant avoit[7] chiere.
Mais la dame est en autre point ;
120Une dolors al cuer li point,
Ki le sorlieve en contremont,
Car li doiens le resomont,
Ki desire à mangier char crue,
Ki n’est de paon ne de grue,
125Ains est des andoilles pendans[8]
Où li plusor sont atendans[9].
La dame n’a mais de mort cure,
Ains soi reblanchoie[10] et rescure.
Et fait janise et molekins[11].
130Et redrece[12] ses raverquins
Et seurcos jusc’as acorez[13],
Et commence ses estivez[14].
Et veste reube à remuyers[15].
Ausi con uns ostoirs[16] muiers
135Ki se va par l’air enbatant[17],
Se va la dame deportant,
Mostrant son cors[18] de rue en rue ;
Mult simplement les gens[19] salue
Et les encline jusqu’en terre.
140Mult souvent clout la boce et serre ;

  1. 111 — Se ilh ne sout. B, S’il ne set bien.
  2. 112 — prent, B, prist.
  3. 113 — Sovent regratoit. B, Il huce et crie.
  4. 114 — B, K’il avoit molt souëf nourie.
  5. 115-116 — Ces vers sont remplacés dans B :

    Por Diu qu’il li viegnent aidier,
    Mais ce ne puet nus souhaidier.

  6. 117 — Et si huce. B, Puis apele.
  7. 118 — qu’il tant avoit. B, k’il avoit molt.
  8. 125 — B, Ains est de l’andoille pendant.
  9. 126 — B, U les plusors vont atendant.
  10. 128 — soi reblanchoie. B, se retifete.
  11. 129 — B, Si fait gausnir son molekin. Cette leçon donne un sens au vers du ms. A, qu’il faut corriger comme M. Scheler : Et fait janir ses molekins.
  12. 130 — redresse, lisez redrece. — B, Et relieve son raviekin.
  13. 131 — Le vers de A, que nous avions corrigé du tout au tout pour lui donner un sens, se lisait ainsi : Et fait cos muscas à corez ; la leçon de B, Si refait musiax à toretes, nous indique qu’il fallait lire : Et fait ces musias à torez. Pour le sens de ce vers il faut se reporter au vers 104, où nous voyons figurer déjà le mot musel, qui semble être le nom d’une parure (peut-être d’une coiffure) de femme. Au vers 104 la femme maudit sa toilette de veuve ; au vers 131, alors qu’elle se pare, elle se hâte de refaire sa parure (ses museaux) à toretes, c’est-à-dire avec des tours (peut-être des frisures).
  14. 132 — B, Et recommence ses tifetes ; cf. le vers 128 où on lit, dans B, retifete.
  15. 133 — B, Si vest les dras à remuiers.
  16. 134 — uns ostoirs. B, li faucons.
  17. 135 — B, Ki se vait à l’ane esbatant.
  18. 137 — Mostrant son cors. B, Et demoustrant.
  19. 138 — les gens. B, la gent.