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de deux angloys et de l’anel

Si cuit vueil mangier .I. petit.
— Ha ! » dit Alein, « Saint Esperit,
Done mi companon santé,
Dont mi cors fou si fort troublé.
25— Triant, » fait-il « par seint Tomas,
Se tu avez .I. anel[1] cras
Mi porra bien mengier, ce croi.
— Vos aurez .I. » fait il, « par foi ;
Je m’en vois une tost querer.
30— Conpainz, Diex te puisse mirer, »
Alein s’en est tornez atant,
Tant va par la vile querant
Qu’il entra en une maison.
Le preudom a mis à raison
35Au mielz qu’il onques pot parler ;
Mais onc tant ne s’i sot garder
Que n’i entrelardast l’anglois.
Ainsi farsisoit le françois :
« Sire », fait il, « par saint Tomas,
40Se tu avez nul anel cras.
Mi chatera moult volontiers,
Et paie vos bones deniers
Et bones maailles frelins
Et paie vos bons estellins. »
45Quant li preudom qui hernechoit,
Oï celui qui fastroilloit,
Ne set que il va devisant :
« Que as-tu[2], » fait il, « fastroi liant ?
Ge ne sai quel mal fez tu diz :
50Va t’en, que tes cors soit honiz !

  1. Vers 26 — Toute cette pièce repose sur un jeu de mots. L’un des Anglais demande de l’agneau (aniel), et son compagnon lui apporte un ânon (asnel). La confusion est imputée à la mauvaise prononciation des Anglais, qui ne manquent pas du reste de confondre les conjugaisons françaises (querer, mirer, pour querir, merir, v. 29 et 30), et ne connaissent guère le genre des substantifs qu’ils emploient.
  2. 48 — * Que as-tu ; ms., Qu’as tu.