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Le Messaigier

Quant je senty le trait qui point et mord
Du Dieu d’Amours, qui cueurs de amans assault,
Je dys à moy : « Qu’est cecy? Je suis mort ! »
Par tout mon corps je tastay bas et hault ;
Je ne veis rien, mais mon cueur fut si chault,
Qui par avant estoit plus froit que glace,
Que fuz contrainct, après ce grant assault,
Dire deux motz affin d’estre en sa grâce.


Je saluay le haultain Dieu d’Amours,
Où nobles cueurs sont toujours bien venus.
Après ces motz, sans faire nulz séjours.
Je fuz assis entre lui et Vénus.
Nous parlasmes de mains propos menus
Honnestement, comme estoit de raison.
Mieulx festoyez ne mieulx entretenus
Ne furent jamais Troylus[1] ne Jason.


Alors me print par la main doulcement
Dame Vénus, la Déesse haultaine.
En devisant d’amours honnestement,
Sans raconter nulle chose villaine ;
Nostre devis fut chose souveraine ;
Nous parlasmes des faiz de Pégasus,
Et de l’amour de Paris et de Hélaine,
Et de celle de Eco et Narcisus ;


Puys des nopces Pelléus et Thétis,
Où la feste fut si très somptueuse
Qu’on y pria les Dieux grans et petis
Et Déesses à l’assemblée jouyeuse
Pour comparoir ; mais Discorde envieuse

  1. Fils de Priam et d’Hécube.