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Jeanne Fortier ouvrit la mignonne boîte de maroquin et poussa un cri d’admiration. L’écrin passa de convive en convive.

« Dijonnais, mon garçon, je vous félicite ! fit la maîtresse de l’établissement. C’est un joli cadeau ! Mais il faut arroser ça…

– Tout est prévu, j’offre une tournée de vraie chartreuse. »

Marianne, entendant la réplique, était accourue avec deux carafons de liqueur d’un vert émeraude.

« À vous d’abord, maman Lison », fit-elle.

Jeanne tendit son verre. La jeune servante le remplit jusqu’au bord, puis elle reprit, en s’adressant à Soliveau :

« À vous, maintenant, monsieur le Dijonnais. »

Avec une habileté de prestidigitateur, Madeleine avait changé des mains les flacons, et elle lui versa la chartreuse à laquelle il avait mêlé une dose de liqueur canadienne.

« À votre santé, maman Lison ! » s’écria le gredin.

Les deux récipients se choquèrent, puis Soliveau et la porteuse de pain les vidèrent d’un seul trait. Amanda vit Soliveau vider son verre ; elle eut dans les prunelles la lueur d’un regard de tigresse.

« Tu as perdu, bandit ! murmura-t-elle.

– Nous nous sommes suffisamment attendris, fit alors le Lyonnais. Il s’agit de chanter. Chacun dira la sienne…

– Au Dijonnais ! dit le Tourangeau. C’est au Dijonnais ! »

Ovide se leva et entama une gaudriole. Au milieu du deuxième couplet, il s’arrêta et passa la main sur son front. Le mémoire paraissait lui faire brusquement défaut. L’effet de la liqueur canadienne commençait à se produire.

« Ça serait-il pour aujourd’hui, Dijonnais ! » criait-on.

Ovide promena autour de lui un regard sans expression.

« Chanter… répéta-t-il ! Il s’agit bien de chanter ! »

Une stupeur générale envahit les convives à la vue de