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– Et où irez-vous, dans huit jours ? Que ferez-vous ?

– Où j’irai ? Je ne sais pas… Ce que je ferai ? Je travaillerai… pour gagner mon pain et celui de mes enfants.

– Voyons, Jeanne, il ne faut point aggraver par votre faute une situation déjà bien difficile. Le patron peut revenir sur cette détermination prise dans un premier mouvement.

– Je veux partir.

– Et moi, Jeanne, je ne vous verrai plus !

– Cela vaudra mieux. Souvenez-vous de ce que je vous disais tantôt. En ne me voyant plus, vous m’oublierez.

– Souvenez-vous de ce que je vous ai répondu : Mon amour, c’est ma vie ! Voyons, Jeanne, point de coup de tête ! Demain je parlerai au patron, je le supplierai de vous conserver ici.

– Monsieur Garaud, je vous défends de faire cela.

– Mais c’est la misère qui vous attend ! Jeanne, vous connaissez mes sentiments pour vous. Je vous répète ce soir ce que je vous disais ce matin ! Je vous aime… aimez-moi… vivons ensemble… »

La jeune femme indignée se redressa.

« Vivre avec vous ! s’écria-t-elle. Être votre maîtresse !… Pour me faire une proposition semblable, il faut que vous me méprisiez bien !

– Je vous jure que le lendemain du jour où les dix premiers mois de votre veuvage seront finis, vous deviendrez ma femme. »

Puis il poursuivit avec passion :

« Jeanne… chère Jeanne… réfléchissez… Ce que je vous propose, c’est la vie, c’est le bonheur pour des petits êtres que vous aimez, et que j’aimerai, moi, de toutes mes forces. Si vous me repoussez, ce sera pour eux comme pour vous la misère… La misère noire. On sait ce que rapporte le travail d’une femme. Jamais vous ne pourrez gagner assez pour donner aux petits la nourriture et les vêtements dont ils ont besoin.

– Ah ! tentateur ! Vous assombrissez ce tableau pour m’épouvanter… pour me décourager…