« Quoi c’est-il donc qui se passe, m’ame Fortier ? »
Jeanne sanglotait.
« Ah ! mon pauvre David, balbutia Jeanne en essayant d’étouffer ses sanglots, je suis malheureuse… On me chasse…
– On vous chasse d’ici, vous ! s’écria le garçon de bureau atterré par cette nouvelle, c’est pas possible. Et pourquoi ?… Qu’est-ce qu’on a donc à vous reprocher ? »
Jeanne raconta brièvement les motifs du mécontentement de l’ingénieur.
« Ah ! reprit David après avoir écouté, présentement la chose ne m’étonne plus. Mais ça s’arrangera. Vous connaissez le particulier, vif comme la poudre, mais au fond il n’y a pas de plus brave homme que lui. Il ne peut pas vous renvoyer, vous la veuve de Pierre Fortier.
– Je m’en irai. Dans huit jours j’aurai quitté l’usine ! Mais je l’ai dit à M. Labroue, ça ne lui portera point bonheur !
– Tout ça, c’est des paroles, m’ame Fortier. Ça se rabibochera, vous verrez, et vous resterez avec nous… Au revoir, m’ame Fortier… Bonsoir petiot. »
David tendit les bras à Georges, lui donna deux gros baisers et sortit. Jeanne attendit pour fermer la porte que les feuilles de présence lui eussent été apportées. Dix minutes s’écoulèrent, puis Jacques Garaud parut.
« Voici les feuilles, dit-il. Rien de nouveau ? »
Le petit Georges lui saisit la main, et répondit :
« Nous avons bien du chagrin, mon ami Jacques. Nous partons de l’usine… »
Le contremaître tressaillit.
« Vous partez de l’usine ! » s’écria-t-il.
Jeanne fit un signe de tête affirmatif.
« Ainsi, ce que je redoutais est arrivé ! Le patron vous a fait des reproches… il s’est mis en colère, et…
– Et il m’a chassée ! acheva Mme Fortier.
– Vous l’avez irrité, certainement.
– Je me suis révoltée contre ses reproches qui pouvaient être formulés moins durement. Dans huit jours, je quitterai l’usine.