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jours. Veuillez vous procurer quelqu’un qui me remplace. »

M. Labroue, malgré sa rudesse, se sentait très ému.

« Vous vous trompez absolument, ma pauvre enfant, fit-il avec douceur, je ne vous chasse pas… Je m’aperçois que j’ai eu tort de mettre une femme à un poste où de toute nécessité il faut un homme… et vous devez le comprendre.

– Il fallait y penser d’abord, monsieur.

– Sans doute, mais mon vif désir de vous être utile m’a empêché de réfléchir. Restez jusqu’à la fin du mois. D’ici là je vous aurai trouvé une place mieux en rapport avec votre caractère et vos aptitudes.

– Non… non… monsieur, dans huit jours, je partirai. Aussi bien, cette maison était un enfer pour moi. Il me semblait y marcher dans du sang, au milieu de mes souvenirs lugubres. C’est une maison maudite, où mon pauvre mari a trouvé la mort, et où je n’ai trouvé, moi, que des chagrins. »

Et la jeune femme s’élança hors du cabinet.

« Pauvre femme ! dit l’ingénieur. Je suis désolé vraiment de ce qui arrive. J’ai ravivé toutes ses douleurs. Certes, elle n’agissait point avec des intentions mauvaises, mais enfin rien ne se passait correctement. Je ne sais où j’avais la tête en lui donnant cette place.

– Vous n’écoutiez que votre bon cœur, monsieur, répliqua le caissier d’un ton patelin.

– Je lui trouverai une place auprès de ma sœur. Cela pourra s’arranger sans doute.

– Ah ! monsieur, reprit le caissier, prenez garde de trop suivre votre premier mouvement. Cette femme vous a menacé.

– Était-ce bien une menace ?

– Positivement. Cette Jeanne Fortier me fait l’effet de partager sa haine entre vous et la maison. Prenez garde, monsieur…

– Allons, Ricoux, vous exagérez ! Vous voyez les choses trop en noir ! Cette pauvre femme est veuve et mère de famille ! Je dois faire quelque chose pour elle. Si je ne puis la placer auprès de ma sœur, je lui remet-