rice à Joigny et que les premières années de Lucie s’étaient passées aux Enfants-Trouvés.
« Si c’était elle ? » se demanda-t-il.
Lucie, brisée de fatigue, semblait chercher un appui, autour d’elle. Paul Harmant lui avança vivement un siège.
Mary se trouva blessée de la condescendance de son père.
« Je n’essaierai point mes costumes, fit-elle d’une voix sèche ; Melle Lucie peut donc se retirer. J’irai prendre livraison de ces costumes chez Mme Augustine. »
C’était indiquer d’une façon nette que la jeune ouvrière ne devait plus remettre les pieds à l’hôtel. Lucie comprit. Le cœur gonflé, elle salua et sortit de la salle à manger.
Paul Harmant, resté seul avec Mary, renoua l’entretien.
« Sais-tu que cette jeune fille est vraiment jolie ? »
Mary sentit de grosses larmes sous ses paupières.
« Tu trouves ? murmura-t-elle douloureusement. Et tu comprends, n’est-ce pas, que Lucien puisse l’aimer ?
– Je comprends très bien qu’il ait eu pour elle un caprice mais ces amours-là, n’ont qu’une courte durée… J’ai reçu une nouvelle lettre de Lucien, ajouta le millionnaire.
– Il te parle de moi ?
– Il m’en parle dans toutes ses lettres, et il ne s’occuperait pas ainsi de toi si tu lui étais indifférente.
– C’est à lui que je voudrais l’entendre dire… »
Mary baissa la tête. Un long soupir s’échappa de sa poitrine oppressée. Le millionnaire poursuivit :
« Tu m’as raconté que cette Lucie n’avait ni père ni mère, comment le savais-tu ?
– Je le tenais d’elle-même.
– Elle a été enlevée à l’hospice des Enfants-Trouvés ?
– Certainement. Elle a été inscrite sous le numéro 9.
– Elle n’a jamais su par qui elle avait été abandonnée ?
– Jamais ! Mais pourquoi t’inquiètes-tu de ces choses ?
– Pour bien me convaincre que Lucien Labroue ne peut aimer une fille qui n’a même pas de nom… »