« Mais c’est fort joli déjà ! s’écria Mary. La manière dont les garnitures sont posées est très originale.
– C’est moi qui ai trouvé cela… dit l’ouvrière.
– Eh bien, vous avez infiniment de goût. »
La fille de Paul Harmant était redevenue gaie. La pâleur de son visage avait subitement disparu, quoique d’instant en instant une petite toux sèche soulevât la poitrine.
« Pauvre jeune fille !… pensait Lucie. Elle est bien malade. »
Lucie se mit en devoir de procéder à l’opération de l’essayage. Mary demanda :
« Il y a longtemps que vous travaillez pour Mme Augustine ?
– Quinze mois bientôt, mademoiselle.
– J’ai compris qu’elle aimerait vous avoir à demeure.
– Je sais, mais j’aime mieux travailler chez moi.
– Vous vivez avec vos parents, sans doute ?
– Je n’ai pas de parents, mademoiselle…
– Vous êtres orpheline ?
– Je n’en sais rien… À l’âge d’un an j’ai été déposée à l’hospice des Enfants-Trouvés.
– Ainsi, votre père, votre mère vous ont abandonnée ? Mais c’est horrible, cela !
– Oui, c’est cruel, fit Lucie. Mais il ne m’est jamais venu à la pensée de blâmer ma mère inconnue ; je me suis dit que sans doute elle n’était point coupable, que la misère, la faim l’avaient contrainte à faire ce qu’elle avait fait et que mon père était peut-être mort.
– Ne vous a-t-on point dit de quelle façon vous aviez été déposée, si quelque indice permettrait de vous reconnaître un jour, et pourrait vous aider à retrouver votre famille ?
– J’ai demandé cela, mademoiselle, lorsque j’ai eu l’âge de comprendre. On m’a répondu qu’on avait en effet déposé en même temps que moi une chose de nature à me faire reconnaître, mais que les règlements défendaient de me le faire savoir.
– Mais, à quoi sert alors de déposer, en même temps qu’un enfant, un signe de reconnaissance ?