– Mais pourquoi désires-tu savoir cela ? hasarda Jacques.
– Pourquoi ?… Parce que je le veux…
– Eh bien, mon enfant, je possède, nous possédons en ce moment près de cent mille livres de rentes.
– Ce qui fait un capital d’environ dix millions. L’usine est-elle comptée là-dedans.
– Non.
– Que peut-elle valoir ?
– Un million. J’aurais acquéreur à ce prix !
– Eh bien, il faut la vendre.
– Tu veux que je vende mon usine ! », s’écria Jacques. La jeune fille sourit en voyant les visages de ses auditeurs, que la stupéfaction rendait comiques, et poursuivit :
« Je t’engage même à vendre le plus tôt possible. J’ai un projet qui ne peut se remettre.
– Et ce projet ?
– C’est d’aller nous fixer en France. »
Les deux hommes sentirent un petit frisson passer sur leur épiderme.
« En France ! répétèrent-ils à la fois.
– Eh oui ! sans doute en France ! le pays de mon père. Votre pays, cousin Ovide. Sans la connaître, j’adore la France. Je veux la voir… je veux y vivre et je veux y mourir !
– Que parles-tu de mourir, mignonne ?… s’écria Jacques.
– Oh ! je n’en ai pas envie, tu peux le croire ! fit la jeune fille en riant ; je n’en ai pas envie, au contraire. Ici, je mourrais jeune, car je m’ennuie. L’Amérique m’est odieuse… Paris m’attire… Paris, la ville des merveilles !
– Mais, ma chère enfant, rien ne nous empêche d’aller en France, à Paris, et rester deux ou trois mois.
– Oh ! non ! non ! pas cela !… fit impétueusement Mary. Je veux que tu réalises ta fortune et que nous partions pour la France sans esprit de retour. »
Ovide Soliveau intervint.
« Vendre cette usine !… dit-il d’un ton maussade. Quitter l’Amérique !… Mais c’est absurde !… c’est insensé !…