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tenir. Pour cela, il s’y prit le plus galamment & le plus discrètement possible, frappant toujours à la porte avant d’entrer, & criant à la jolie femme par le trou de la serrure : — « Madame, ayez l’obligeance de vous vêtir, je viens vous peindre en déshabillé. »

Ce fut ainsi qu’il pénétra dans l’étude du notaire & dans le boudoir de l’actrice, dans le cabinet du magistrat & dans l’atelier de la grisette, partout, en un mot, où il y a une patte de lièvre à gratter ou un bouton à tourner longuement. Puis, une fois entré, il plaça son chevalet dans le jour le plus favorable, choisit ses couleurs les plus flatteuses, pria son modèle de prendre la pose qui lui seyait le mieux, — & fit alors ce musée officiel que nous savons, & dont les premiers portraits eurent un si grand retentissement.

Mais partout où il n’y eut pas moyen de se faire annoncer, ou de frapper, — c’est-à-dire là où la porte demeure toujours ouverte, — M. de Jouy recula dédaigneusement, en se disant que son ton & son bel esprit n’avaient rien à faire en tel lieu. Il préféra laisser sa galerie incomplète, plutôt que de la compléter avec de grossières peintures de guinguettes & de cabarets. En descendant les marches qui vont à ces caveaux, peut-être se fût-il exposé à rencontrer