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aime plus que je ne voudrais l’aimer, je le vois. Mais qu’importe ! Je ne suis pas habitué à jeter mes passions au dehors, comme on fait d’un créancier qui mettrait la main sur votre habit, en disant : Vous n’avez pas le droit de porter cet habit !

Puis tout aussitôt — car l’âme de Trialph est comme la patte d’oie d’une forêt où se croisent divers sentiers — il lui vient des inquiétudes, des troubles que, par parenthèse, il exprime en très-poétique langage : « À prévoir de loin, peut-être ai-je peur avec raison que cette vierge blonde s’abandonne parfois à des instincts de coquetterie. Quand, pour me plaindre alors, je m’approcherai d’elle, au milieu de la foule des indifférents, Nanine, je le crois, voudra bien avoir la complaisance de ne pas s’éloigner. Je serai pâle, je tremblerai. D’une bouche timide qui permettra à peine aux sons de ma voix de se faire entendre, je lui dirai : Vous me trompez ! Elle répondra vite : Non ! Et sans que rien l’ait troublée, ensuite elle s’envolera vers d’autres hommages, moins sérieux, moins exigeants. Puis, en se souvenant par hasard de mes inquiétudes : C’est un fou qui m’aime trop ! se répétera-t-elle pendant la danse où j’épierai les regards furtifs de ses beaux yeux noirs, presque toujours pleins de bonheur…