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misérable créature, pieds nus, sur les boulevards. »

Trialph, à son réveil, met des gants glacés et se rend chez la femme mure à qui il a demandé un rendez-vous, madame la comtesse de Liadières.

Il fait sa cour à la façon des Jeune-France, c’est-à-dire il ricane, il pâlit, il déchire sa poitrine avec ses ongles, il pose sa main sur la rampe du balcon en murmurant : — Mon Dieu ! que le ciel est pur ; mon Dieu ! que cet air est suave !… Mais lui, son front est brûlant, son sang bout dans sa tempe à lui ouvrir le crâne ; il essaye de parler de choses indifférentes, du bois de Boulogne, du paillasse Deburau, de l’athéisme, des Polonais, de tout ce qui est à la mode ; enfin il se jette aux genoux de la comtesse et la tutoie :

— Femme ! que tu es belle ainsi !

La comtesse ne fait pas jeter cet animal à la porte. Au contraire ; elle le trouve intéressant, nouveau. Cela enhardit Trialph, qui se lance dans toutes sortes de sarcasmes contre l’amour, contre la patrie, contre la gloire, contre les belles-lettres, contre la lune, contre la législation actuelle, contre les jolies femmes, et qui termine par un éclat de rire convulsif, — cet éclat