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petits mémoires littéraires

« Le gouvernement, — dit M. Taxile Delord, — ne voulant pas avoir l’air de frapper uniquement sur les journalistes légitimistes, mit la main sur MM. Chatard et Charreau père, de l’Estafette ; Théodore Pelloquet, du National ; Venet, Monselet, Vergniaud, Étienne Gérard, appartenant à divers journaux. Un Polonais, M. Tanski, ancien rédacteur du Journal des Débats, fut également incarcéré. M. Walewski et M. de Rothschild le réclamèrent vainement ; il resta plusieurs jours en prison, ainsi que M. Monselet. »

C’est la vérité, mais sur cette vérité le dessinateur a brodé des détails tout à fait de son invention. Il a voulu reproduire, tel sans doute qu’il le concevait, le tableau de mon arrestation. La scène se passe dans une chambre, la mienne, j’aime à le supposer. Un commissaire de police, ceint de son écharpe, vient d’y faire invasion, accompagné d’un agent en bourgeois et de quatre soldats armés de leurs fusils.

Un jeune homme, qui n’est autre que moi-même, se tient debout dans l’attitude parfaitement justifiée de l’étonnement. Il vient de quitter une petite table ronde où il prenait son repas ; sa serviette est encore passée dans son gilet. Devant lui est assise une femme, en robe à sept ou huit volants et en manches bouillonnées, qui se cache la figure dans un mouchoir.

Au besoin, et bien que je fusse alors garçon, on peut croire que cette personne est une épouse légitime. Mais on peut croire aussi beaucoup d’autres choses. Ces volants surtout me chiffonnent. — Je sais bien encore que le couple ainsi représenté pouvait être tout préparé et tout habillé pour aller passer la soirée au théâtre, par exemple. Moi-même, je suis en toilette de ville, en habit noir, très correct en somme.

On voit que je fais tout mon possible pour excuser