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petits mémoires littéraires

difficile de s’appeler autrement. Pour moi, je ne le vois point sous le nom de Valençay ou de Noirmont.

Picard ! et comme correctif Ernest. Avec cela, de l’argent plein son berceau, une jeunesse enjouée. À trente ans, il ne lui manquait rien pour incarner le parfait bourgeois de Paris. Eh bien ! si, il lui manquait d’être… actionnaire du Siècle. Il le devint bientôt, — et dès lors il fut complet.

On le poussa dans la politique plutôt qu’il n’y entra de son gré. Il avait été bon avocat, il fut bon député. Il avait le sens pratique des choses, un jugement droit, l’habitude des affaires et sa belle humeur tranchant sur le tout. On sait la situation exceptionnelle qu’il se fit du premier coup à la Chambre, par la vivacité de ses interruptions, la prestesse de ses apostrophes, l’à-propos et le mordant de ses répliques. Il s’y acquit bientôt une réputation d’enfant terrible.

D’opinion bien caractérisée, on ne lui en connut pas, il n’en afficha pas. Jules Favre a dit : « Son idéal était la vérité, la justice, la liberté. » Avec de pareilles phrases on ne se compromet jamais et l’on évite bien des explications. Aussi chacun des biographes et des portraitistes d’Ernest Picard l’a-t-il un peu arrangé à sa fantaisie.

Un de ceux-ci, M. Platel, a fait de lui, avec plus ou moins de vraisemblance, un joli sceptique.

« Au fond du cœur, dit-il, M. Picard trouvait que tout allait mieux qu’il ne le disait à ses amis politiques. Il ne désirait pas vivement la’ chute de ce gouvernement qui, en lui donnant le monopole d’une opposition maligne, lui faisait une situation pleine de charme. Il avait la popularité sans craindre des rivaux. »

Et encore :