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endroits. Était-ce affaire de relations personnelles seulement ? Non ; cet esprit réservé se sentait attiré par cet esprit agressif. La prudence aime l’audace. Les gens d’intérieur se mettent volontiers aux fenêtres pour voir passer les bruyants militaires. Supposons que Sainte-Beuve n’ait pas connu M. de Girardin et n’ait pas échangé avec lui le pain et le sel de la princesse Mathilde Demidoff, il s’en serait néanmoins occupé, il l’aurait lu et il en aurait parlé, n’eût-ce été que pour faire niche à Véron.

Au cours des deux articles qu’il lui a consacrés sur le tard dans ses Lundis, on remarque une tendresse qui se traduit presque ingénument

« Il paraît difficile, dit-il, de conquérir ce nom à la littérature, et cependant c’est ce que je voudrais faire jusqu’à un certain point. »

Après beaucoup de peine, Sainte-Beuve parvient à rassembler deux ou trois petites citations, qu’il essaie de faire passer pour des exemples de style qui s’ignore.


Qui ne se rappelle cet homme gras et rose, aux cheveux blonds naturellement frisés, aux yeux bleus, la tête légèrement renversée par l’envahissement de l’estomac et du ventre ? C’était Ernest Picard. Il ressemblait vaguement à un Jules Janin rajeuni ; il avait comme Janin un épanouissement de santé, un débordement de bien-être.

Ernest Picard restera comme le type d’une certaine bourgeoisie particulière à l’empire. Tout était bourgeois en lui, dans le sens bon du mot. Et d’abord son nom bourgeois de Picard ; j’affirme qu’il lui eût été