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haute que la Revue des Deux-Mondes et la Revue de Paris.

Quant à lui, pour son usage personnel, il se contentait du premier style venu, style d’affaires, style de prospectus, style d’affiches. Pourvu qu’il se fit comprendre, il n’en demandait pas davantage. Petit à petit cependant il s’est fabriqué une sorte de manière avec des demandes, des réponses, des apostrophes, une armée de petits alinéas, des épigraphes, des titres voyants : Confiance ! confiance !Sécurité ! sécurité ! — Où allons-nous ?

Un article de M. de Girardin se reconnaissait à dix pas.

Je ne m’entends pas beaucoup (autant dire pas du tout) aux questions d’impôts et de budget, aux agissements financiers, aux conversions de rentes, aux fondations de banques ; mais on a souvent répété autour de moi que M. Émile de Girardin était des plus habiles à ce jeu. Il aurait dans ces derniers temps donné de nouvelles preuves de son expérience. Toujours de son siècle et de son heure !

Il me paraît oiseux de s’étendre sur le polémiste. J’estime que cette faculté, qui a pourtant fait beaucoup pour sa réputation, était une des plus secondaires chez lui. Il n’y apportait qu’une force maîtresse : l’insistance. C’était la supériorité du boule-dogue, qui ne lâche pas prise. Girardin n’a jamais ce qui s’appelle turlupiné un adversaire ; lorsqu’il le jugeait digne d’une riposte (et c’est un honneur qu’il ne faisait pas à tout le monde), il lui enfonçait du premier coup ses crocs dans la gorge et le secouait, le secouait, jusqu’à perte de respiration et de sang.

On l’a vu dans sa dernière polémique avec le vieux