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Il avait trente ans lorsque ses amis et amies l’engagèrent à travailler pour le théâtre, et il n’eut pas d’abord à s’applaudir de les avoir écoutés.

Son premier poème d’opéra-comique, le Séjour militaire, lui fut fourni par un homme assez expérimenté, mais qui ce jour-là n’eut pas la main heureuse, — Bouilly, — l’auteur de Fanchon la Vielleuse et de l’Abbé de l’Épée. Bouilly crut faire un cadeau véritable au jeune Auber en lui donnant cette piécette, « tableau fidèle des espiègleries de plusieurs jeunes officiers de dragons, s’amusant à égayer leur séjour dans une petite ville. »

Il faut entendre le bonhomme Bouilly raconter dans ses Souvenirs les obstacles qu’il eut à renverser pour faire arriver son protégé à la scène. L’appui de Cherubini et de Méhul ne lui fut pas inutile. « Ils déclarèrent que la partition du Séjour militaire n’était à la vérité qu’un ballon d’essai, mais qu’il renfermait un gaz qui ne demandait qu’à se développer. »

Cette image de ballon est chère à Bouilly, qui y revient quelques pages plus loin en constatant le succès d’Auber devant le public. « Son ballon d’essai s’éleva très heureusement dans les airs, sans essuyer la moindre intempérie ; il est vrai que Gavaudan et sa charmante femme étaient dans la nacelle, et dirigeaient sa course. »

Ou le bonhomme Bouilly avait une taie sur l’œil, ou il n’était pas exigeant en fait de succès, car, de l’aveu de tous les contemporains, le Séjour militaire fut une de ces vestes qui datent dans une carrière.

En ce temps-là, comme en ce temps-ci, du moment que deux auteurs n’étaient pas tout à fait siffles, ils tombaient volontiers dans les bras l’un de l’autre. Le jeune Auber ne faillit pas à cet usage, s’il faut en croire