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petits mémoires littéraires

« Je vous ai déjà prévenu que mon Ase ne pouvait suivre voire Pégase. » Une autre fois : « Vos épîtres m’arrivent par averses, par torrents, par cataractes ! » Il le compare à la mère Gigogne.

Il faut croire qu’à un moment donné il s’impatienta et le fît sentir à son invisible confrère, — qui, de son côté, prit la mouche. Certains mots aigre-doux durent être échangés ; car, le 22 décembre 1852, Van den Zande écrivait à Grille : « Je ne vous ai jamais dit, comme vous le prétendez, que je ne savais par où vous prendre ; vous n’êtes certes ni un bâton épineux ni un bâton….. Si le charme est rompu, c’est par vous qu’il l’a été ; je ne vous ai jamais demandé qu’une seule chose, à savoir : de ne pas m’écrire tous les jours parce que je n’étais pas de force à répondre à tant de si jolies lettres ; j’en suis jaloux. »

Ainsi, il joint les mains, il supplie Grille de ne pas lui écrire tous les jours ; cela est touchant. Et comme, après tout, un tel vœu n’a rien d’exorbitant, on suppose que Grille va s’empresser d’y acquiescer. Ah bien ! oui. C’est peu connaître Grille. Grille ne peut vivre sans écrire à Van den Zande. Pas de grâce pour Van den Zande !

Sur ces entrefaites, un accident arriva au bibliophile des Batignolles, la veille du premier de l’an, comme il allait porter des bonbons à une famille amie. Moins leste que ses contes, Van den Zande tomba et s’étala dans le ruisseau de la rue Pagevin, une des rues les plus étroites de Paris, dans le quartier de la Poste.

Des passants le relevèrent et le mirent en voiture. Il fut obligé de garder la chambre, une jambe étendue sur une chaise. Ce n’était rien dans le principe, une foulure des muscles du mollet gauche, mais il se crut