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petits mémoires littéraires

— Oh ! fort délicat, en effet.

— Si ce bossu était un pauvre diable, nul doute qu’il ne consentit… Mais un banquier ! murmura Méry.

— Et un banquier de Francfort !

— Il y aurait lieu de s’attendre à un refus.

— Je le crains.

— Il faudrait procéder par surprise, continua Méry, comme en se parlant à lui-même ; oui, j’y réfléchirai… Merci de m’avoir éclairé… Évidemment, le talisman doit être touché à nu pour opérer.

Et il s’éloigna, en proie à une grande préoccupation.

Je ne le revis pas de vingt-quatre heures.

Le surlendemain, à la chute du jour, je me promenais solitairement au bord de l’Oos, — ce Mancanarès badois, — lorsque mes yeux furent attirés par un groupe de gens animés à quelques pas de moi. On venait de retirer de l’eau un individu qui s’y était laissé choir par mégarde, — disait-on, — et qui d’ailleurs ne s’était fait aucun mal. À peine avait-il éprouvé un étourdissement de quelques minutes.

On l’avait déposé fort proprement sur le gazon ; et, pour le faire sécher, on l’avait dépouillé de son habit et de son gilet, comme cela se pratique en pareil cas.

Je jetai un coup d’œil sur ce maladroit ; quelle fut ma surprise en reconnaissant le petit bossu de Francfort !

Revenu à lui, il se débattait au milieu des gens qui lui prodiguaient leurs soins…

Car, parmi ceux-là, auprès de lui, et le plus empressé de tous, était Méry, criant, s’agitant, — Méry, qui lui avait déchiré sa chemise à la hauteur des omoplates, et qui lui frottait énergiquement sa bosse à nu, pour le ranimer, disait-il.