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petits mémoires littéraires

« La veille de sa mort, Gérard de Nerval, sorti depuis quelques jours de la maison de santé du docteur Blanche, était venu dîner chez moi et m’avait lu plusieurs scènes du Fils nocturne, que venait de recevoir l’Ambigu et où il me destinait un rôle. Il était accompagné de M. Georges Bell.

» Il paraissait plus gai que les jours précédents ; son éditeur des Filles du feu lui avait remis quelque argent… Gérard et son ami me quittèrent fort tard.

» Le lendemain matin, M. Georges Bell arrive, tout ému, m’apprendre la mort de Gérard. Nous sautons dans une voiture, et nous nous rendons à la Morgue, où on avait transporté son cadavre. Nous trouvons là plusieurs de nos amis, parmi lesquels Théophile Gautier et Alexandre Dumas père. On nous fit voir la corde avec laquelle il se serait pendu ; c’était un vieux cordon de tablier de cuisine…

» Quant à l’enquête, elle a été faite avec la plus grande mollesse. Tous nous sommes restés convaincus que notre pauvre ami était mort assassiné.

» Béatrix Person. »

Le témoignage de madame Person est précieux, mais il est combattu sur plusieurs points par quelques personnes, principalement par M. Edouard Gorges, collaborateur de Gérard de Nerval pour le Marquis de Fayolle. M. Edouard Gorges prétend avoir quitté Gérard, la veille de sa mort, vers neuf heures du soir.

À ce même instant, Gérard était rencontré dans le Palais-Royal par M. Lesage et M. Deloris, pensionnaires de la Comédie-Française (qui remarquèrent qu’il avait un paletot).

Il n’était donc pas parti de chez madame Person aussi tard qu’elle croit se le rappeler.