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cieux. Les matériaux ! Ah ! c’est la passion souveraine de M. Camille Rousset : il ne saurait trop y en avoir pour lui ; il en cherche et il en trouve constamment. Quelquefois même on sent qu’il en est comme étouffé ; l’air lui manque au milieu de ses trésors. Aussi arrive-t-il que l’historien s’efface devant le classificateur. La conscience a parfois son danger ; elle rétrécit le point de vue, elle diminue la personnalité ; elle supprime insensiblement les éclaircies, les échappées sur la vie intime, les portraits développés, tout ce qui est le charme du récit ; elle regarde comme temps perdu tout ce qui n’est pas la marche des faits ; elle se fait sèche et sévère par un sentiment outré de sa mission. Cela est pour arriver à confesser qu’il y a dans les ouvrages de M. Camille Rousset quelques parties à l’état d’écorché ; on se prend à souhaiter un peu plus de chair sur cette admirable anatomie. Rien ne lui serait facile comme d’en mettre, car c’est un écrivain de race qui a renoncé volontairement, dans l’intérêt de son système, à quelques-unes des conquêtes de la moderne école historique.