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auteurs de Nemésis, de Napoléon en Égypte, du Fils de l’homme, astres jumeaux alors dans toute leur gloire et dans tout l’éclat d’un talent particulier, classique dans ses allures, mais sonore et chaudement coloré, avec une richesse de rimes poussée jusqu’à l’éblouissement, jusqu’à l’excès.

M. Autran ne put se défendre de l’admiration d’abord, de l’imitation ensuite. Cette imitation est sensible dans Milianah, épisode des guerres d’Afrique, publié en 1842. Mais Milianah n’est qu’un incident dans sa vie littéraire. Sa préoccupation principale et constante était la pastorale, dans sa plus large extension. Il sentait déjà frémir en lui une vaste épopée agricole et maritime à laquelle il devait consacrer toutes les forces de sa maturité.

Ce n’est encore que comme un incident qu’il faut considérer sa tragédie de la Fille d’Eschyle, représentée à Paris, au lendemain de la révolution de 1848, et qui, malgré les circonstances, obtint un succès très bruyant. — Pourquoi n’a-t-on jamais repris cette étude dramatique, qui fournit à Gautier ces belles lignes dans sa chronique théâtrale de la Presse ? « Du premier coup, M. J. Autran a conquis l’escabeau d’ivoire sous le portique de marbre blanc où trônent les demi-dieux de la pensée. Ces Grecs de Marseille qui habitent une rive dorée entre le double azur du ciel et de la mer, ont de naissance la familiarité de l’antique ; le rythme, le nombre, l’harmonie, leur sont naturels. Là, les poètes ont encore une lyre et improviseraient aisément leurs vers sur quelque promontoire, en face des flots et du soleil, au milieu d’un cercle d’auditeurs comme sur le cap Sunium ou le môle de Naples. »

À quelque temps de là, l’Académie française cher-