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petits mémoires littéraires


Près de nous, causaient ou rêvaient trois femmes,
Fronts aux blonds cheveux, moins longs que les tiens :
Et, de temps en temps, la chanson des lames
Se mêlait dans l’ombre à nos entretiens.

Où sont les beaux jours ? Où fuit la jeunesse ?
Rome à nos bravos a su te ravir.
Ne m’apprend-on pas que tu dis la messe ?
Je pars, s’il est vrai, pour te la servir.

Méry et Barthélemy comptèrent aussi parmi les amis de M. Autran ; mais ceux-ci, c’était tout naturel : ils étaient Marseillais comme lui[1]. Il fut même plus que leur ami, il fut leur disciple, ou plutôt il subit, — peut-être involontairement, — leur influence. On procède toujours de quelqu’un. M. Autran procéda des

  1. M. Autran a parlé plus tard de Méry, dans le sonnet suivant, par exemple, avec un ton légèrement moqueur, et qui semblerait indiquer un admirateur un peu revenu. Au milieu des compliments obligés, on distinguera la pointe qui brille d’un éclair de diamant :

    Ta parole en ses jeux effleurait toute chose ;
    C’était le vol errant, le caprice infini.
    Tu passais, tu courais, sans cesse rajeuni,
    De l’âme à la matière et des vers à la prose.

    L’hiver seul te rendait soucieux et morose.
    Homme renouvelé dès qu’il était fini.
    Tu parlais tour à tour de Dieu, de Rossini,
    D’amour, de carnaval et de métempsycose.

    Ainsi, charmant esprit, à toute heure levé,
    Promenant au hasard ta fantaisie agile.
    Que n’as-tu pas conté ? que n’as-tu pas rêvé ?

    Tu me disais un jour, fier de ta fine argile
    « J’ai mille souvenirs d’avoir été Virgile ! »
    Mais là-haut, Je le crains, tu l’auras retrouvé.



    Le trait est d’une merveilleuse finesse.
    M. Autran paraît avoir eu une plus sérieuse affection pour Barthélémy ; il fut le témoin de sa fin douloureuse, qu’il tâcha d’adoucir autant que possible.