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petits mémoires littéraires

M. Dudevant paraît avoir pris à tâche, pendant les premières années, de faire le bonheur de sa jeune femme, et, d’après la Correspondance de George Sand, on peut croire qu’il y a réussi. Ce ne sont que voyages luxueux, excursions dans les Pyrénées, carnaval passé à Bordeaux, etc. etc.

La vie à Nohant avait aussi son attrait et sa poésie. M. Dudevant s’y montre sous un jour qui ne lui est pas défavorable. « Casimir est très occupé de sa moisson. Il a adopté une manière de faire battre le blé qui termine en trois semaines les travaux de cinq à six mois. Aussi il sue sang et eau. Il est en blouse, le râteau à la main, dès le point du jour. »

Aurore avait donné deux enfants à son mari, deux superbes enfants, une fille et un fils, Solange et Maurice. Elle les chérissait ; M. Dudevant ne les adorait pas moins. Par quoi donc devaient être désunis les deux époux ?

Chacun d’eux a reproché à l’autre son caractère.

M’est avis, pour parler le langage des villageois, que la petite dame ne devait point être commode tous les jours, et que ses allures indépendantes étaient un peu faites pour détonner dans une zone départementale.

Pourtant ce ne fut point M. Dudevant qui parla le premier de rupture et de séparation, d’abord amiable. Les premières déclarations de guerre vinrent d’elle. On était en 1830. Elle avait supporté le joug du mariage pendant huit ans.

Elle demanda sa liberté, se réservant le droit d’habiter tantôt Paris et tantôt Nohant ; cela lui constitua une existence en partie double, et doublement désagréable pour l’époux, qui eut le tort d’y consentir.

J’ignore quels ont pu être les torts de M. Dudevant, mais il en a été terriblement puni par la réputation de