Page:Monselet - Petits mémoires littéraires, 1885.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
283
petits mémoires littéraires

hâte Orléans, fit visite à des collègues qu’il n’avait pas accoutumé de voir. Bref, le danger fut écarté, mais il ne devait pas l’être pour longtemps. Au bout de quelques années, la candidature de M. Littré revint sur l’eau, et, cette fois, elle triompha. M. Dupanloup, qui en avait fait une affaire personnelle, envoya sa démission, que l’Académie française n’accepta pas. De sorte que sa situation au palais Mazarin fut toujours assez embarrassée et embarrassante.

Je ne suis pas apte à apprécier M. Dupanloup comme orateur chrétien. Je sais seulement qu’un jour il se montra plus révolutionnaire que personne, en prononçant le panégyrique de Jeanne d’Arc dans la cathédrale d’Orléans.

Je prends le passage suivant pour exemple. M. Dupanloup n’hésite pas à flétrir l’évêque Cauchon et les deux rois :

« Rien ne manquera donc à la grandeur de cette pauvre fille ! Oui, elle est grande parce qu’elle souffre !… Elle est grande, non pas seulement parce qu’elle a un évêque pour meurtrier, des juges pour bourreaux ; non pas seulement parce qu’elle a été vendue le prix d’un roi, parce que c’est au nom d’un roi d’Angleterre qu’elle est tuée et sous les yeux d’un roi de France impassible, — en sorte que tout serait royal dans sa mort, si tout n’y était pas abominable… — Elle est grande parce que c’est une puissante action qui la tue, une puissante action qui l’abandonne ! Elle est plus grande, je ne dis pas que l’indigne évêque et que les juges, mais que tous les chevaliers et les hommes d’armes, plus grande que les rois de France et d’Angleterre, plus grande que les deux plus puissantes nations du monde, dont l’une, sauvée par elle,