Page:Monselet - Petits mémoires littéraires, 1885.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
petits mémoires littéraires

bientôt franchi par M. Dupanloup, qui devint rédacteur de l’Ami de la religion ; c’est dans cette feuille qu’il faut chercher la date de son antagonisme avec M. Louis Veuillot.

On a prétendu que le zèle guerroyant de M. Dupanloup agaçait le vieux roi Louis-Philippe, qui hésitait à lui donner un évêché. Ce fut le pouvoir exécutif de 1848 qui lui offrit le siège épiscopal d’Orléans. À peine y était-il installé et commençait-il à s’occuper de l’organisation de son cher séminaire de Saint-Mesmin, que la « campagne contre les classiques » vint le détourner de son ardeur d’enseignement. Son amour des lettres se ranima ; c’était son beau côté ; il prit parti pour les auteurs profanes, qu’une fraction du clergé voulait exclure des études publiques. Il faut lui savoir gré de cette audace ; elle suffirait à justifier le choix que fit de lui l’Académie française, en 1854, à la place de M. Tissot.

Son discours de réception fut très modeste. Il ne parla point politique ; il ne céda point à son thème favori : les tendances philosophiques de l’époque. Il sut comprendre ce milieu pacifique et harmonieux où il était admis.

Bien que souvent retenu dans son évêché, le nouvel élu ne négligea pas l’Académie : il lui avait promis de travailler à son dictionnaire. « Je vous apporterai de temps en temps, avait-il dit, quelques lumières pour la définition de ces mots qui sont de ma langue avant d’être de la vôtre. » Il tint parole ; on le vit voter assez régulièrement ; mais son acte le plus important d’académicien est l’opposition ouverte et active qu’il fit à la première candidature de M. Littré.

L’antéchrist ne lui aurait pas inspiré plus d’effroi.

Il se donna un mouvement extrême, quitta en toute