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petits mémoires littéraires

« Qu’il s’appelle Ninus ou Don Sanche, — dit-il dans son discours, — l’homme est de tous les temps et de tous les pays. C’est l’homme, avant tout, que le poète dramatique doit étudier et s’appliquer à peindre ; l’exactitude du costume n’importe guère, pourvu que la nature humaine vive et palpite sous l’habit. M. Brifaut s’était moins préoccupé de la couleur locale que des grands mouvements de l’âme ; ses personnages parlaient le langage éternel de la passion ; ils appartenaient à la patrie universelle avant d’appartenir à la Castille ou à l’Assyrie. »

S’il pouvait y avoir quelque chose de sérieux dans cette partie du discours de Jules Sandeau, il serait trop facile de lui répondre que certains faits sont inséparables des lieux où ils se passent, que certains caractères n’ont leur raison d’être que par la date où ils se développent. Il n’y aurait plus de littérature possible du moment que le Cid, Macbeth ou Ruy-Blas pourraient indifféremment aller emprunter leurs costumes à des vestiaires cosmopolites. Est-ce que M. Sandeau lui-même, au cas Jean de Thommeray eût été tracassé par la censure, aurait trouvé tout simple de faire passer sa pièce en Pologne ou en Italie ?

Il y aurait puérilité à insister.

« Malgré les sombres préoccupations du moment (on était en 1813), — continue Jules Sandeau, — le succès de Ninus II fut immense ; il était légitime ; le souvenir en est resté. Un style brillant, plus d’une situation hardie ou pathétique, de beaux élans d’amour maternel, une vive peinture de l’ambition poussée jusqu’au crime et du crime aux prises avec le remords, ont sauvé l’œuvre de l’oubli. »

Mais citez donc un seul vers dans ce cas !