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de mineur. Après un mois de patientes recherches, il avait retrouvé un poème de M. Brifaut et un dithyrambe de M. Brifaut. Le poème chantait le mariage de l’Empereur ; le dithyrambe célébrait la naissance du Roi de Borne. Un dernier coup de pioche fit apparaître la tragédie de Ninus II, miraculeusement embaumée.

Le 26 mai 1859, Jules Sandeau était reçu en séance publique à l’Académie française. Pâle, tremblant, il tenait un mince cahier, qui, si mince qu’il fût, paraissait lui brûler les doigts.

Ce cahier contenait l’éloge de M. Brifaut.

Dire ce que cet éloge lui avait coûté d’huile, d’efforts, de veilles, d’énergie, combien de fois il l’avait laissé et repris, c’est ce que lui seul aurait pu dire.

Il commença par déclarer, pour mettre un peu de sa responsabilité à l’abri, qu’il n’avait jamais vu M. Brifaut, — mais qu’il l’avait religieusement cherché dans ses écrits et dans les souvenirs de ses contemporains, et qu’en conséquence il ne pouvait promettre qu’un crayon bien imparfait.

Comment, après ce début, se laissa-t-il entraîner au point de vanter Ninus II ?

Il faut d’abord que mon lecteur, à moi, sache que Ninus II, dans le principe, n’était pas Ninus II. C’était une tragédie quelconque qui s’appelait Don Sanche et dont le sujet était emprunté à l’histoire moderne. J’ai l’air de raconter une scie dans la manière d’Henry Monnier, mais rien n’est plus vrai. Don Sanche était sur le point d’être représenté, lorsque la censure s’opposa à la représentation. Qu’est-ce que fit l’ingénieux M. Brifaut ? Il transporta la scène, de Castille en Assyrie, et transforma Don Sanche en Ninus II. Le tour n’était pas difficile.

Jules Sandeau trouve cela tout naturel.