Page:Monselet - Petits mémoires littéraires, 1885.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
238
petits mémoires littéraires

en 1812. Plus tard, cette mort devait lui inspirer des strophes touchantes, où rinsuffisance de la forme est rachetée par la sincérité du fond :

Et pas un souvenir de lui qui me console !
Je me souviens pourtant de plus loin que cinq ans.
Et pour plus d’un objet ridicule ou frivole
J’ai mille souvenirs présents.
Je me rappelle bien mon jouet éphémère,
Le berceau de ma sœur, les meubles de satin.
Et le grand rideau jaune, et le lit de ma mère
Où je montais chaque matin.
Mais lui… rien… toujours rien…

M. Ernest Legouvé décrit ensuite son avidité à recueillir les moindres renseignements sur ce père à peine entrevu. Il interroge les contemporains et particulièrement les contemporaines :

C’est surtout dans les cœurs, sur les bouches de femme,
Que j’aime à retrouver son nom !
Leur âme comprend mieux mes regrets et son âme,
Et leur reconnaissance est son plus beau renom.
Aussi, quand j’aperçois, en racontant sa vie,
Une d’elles donner un signe de douleur,
Il me prend dans le cœur une secrète envie
De lui tendre la main, en lui disant ; Ma sœur !

Le jeune Ernest-Wilfrid Legouvé fut confié à la tutelle du digne Bouilly, l’auteur vertueux de Fanchon la Vielleuse, le conteur moral à qui l’on doit les Contes populaires, les Contes à ma fille, les Contes à mes petites amies, les Contes aux enfants de France, sans compter les Jeunes Femmes et les Mères de famille. Il faut avouer que l’enfant ne pouvait tomber en de meilleures mains, et que nul mieux que M. Bouilly ne pouvait lui transmettre intacte la tradition du Mérite des Femmes. Peut-être même Bouilly